mardi 9 janvier 2007

hayek

Droit, Législation et Liberté (3 vol., de 1973 à 1979, trad. franç. P.U.F.) est, avec The Constitution of Liberty, l’œuvre majeure de Hayek. L'ensemble du système y est cette fois exposé de façon entièrement synthétique. On y trouve :
1) une théorie épistémologique des ordres, « naturels », « artificiels » et « spontanés » (ou « auto-organisés ») ;
2) une psychologie cognitive, mettant en évidence le rôle des « schèmes » de perception et d'action et du psychisme « méta-conscient » dans la pratique humaine;
3) une théorie du droit et de l’Etat ( "Le droit est plus ancien que la législation" ); l'État tient sa légitimité de ce qu'il protège un droit qui lui préexiste et qui limite sa souveraineté; le droit se subdivise en thesis, règles d'organisation pouvant être créées a priori et correspondant à peu près au droit public, et nomos, « règles de juste conduite », abstraite et inintentionnelles, ne pouvant être formulées et modifiées qu'a posteriori, à la lumière de l'expérience collective qui se révèle dans les procès, et correspondant au droit civil et pénal;
4) une théorie cognitive de la propriété privée, qui ne fonde pas celle-ci dans un droit naturel absolu de l'individu, mais dans le fait qu'elle permet seule l'« ajustement mutuel des anticipations » et donc un ordre rationnel de coopération;
5) une théorie de la catallaxie, ou de l'économie comme ordre essentiellement polycentrique; cette théorie analyse les prix comme un « medium de conununication » assurant - pourvu que les agents économiques soient laissés entièrement libres de leurs décisions - l'optimum économique;
6) une théorie de l'évolution culturelle et de l'origine des valeurs morales : celles-ci sont le produit d'un processus d'« essais et d'erreurs » mémorisé par la société qui a conservé celles qui se sont révélées les plus efficientes ;
7) la thèse de la supériorité anthropoiogique, sur toutes les autres sociétés connues, de la société libérale moderne, qui a décuplé en deux siècles la population mondiale à ressources naturelles inchangées ; celle de sa supériorité morale, puisqu'eue substitue un ordre de coopération pacifique à l'antique ordre de prédation; celle de sa supériorité intellectuelle, puisque, organisant l'échange, elle permet une division du travail et du savoir plus poussée que jamais auparavant, et donc une croissance exponentielle du savoir possédé par la société, à capacités intellectuelles égales des individus;
8) enfin, une théorie constitutionnelle; Hayek montre que, dans nos systèmes représentatifs modernes, les gouvernements et les parlements ne sont plus que l'émanation d'une même majorité, soumise à la logique du « marché politique ». Il n'y a plus de séparation des pouvoirs, puisque le législatif fait ou défait les lois en fonction de la politique voulue par l'exécutif. Hayek imagine alors un mécanisme permettant de revenir à une séparation des pouvoirs véritables. Deux Chambres, élues selon des procédures et à des périodicités différentes, jouent des rôles rigoureusement différenciés, l'une étant uniquement législative, l'autre uniquement exécutive; la seconde ne peut voter aucune mesure qui contrevienne aux règles générales posées par la première. La Chambre législative seule, par exemple, vote la partie « recettes » de la loi de finances, puisque le prélèvement fiscal est une coercition et ne peut, comme telle, dans un Etat de droit, être exercée à l'encontre d'un citoyen qu'en vertu d'une règle générale; en revanche, c'est l'autre Chambre qui vote la partie « dépenses », puisque les affectations de crédits ne sont en aucune façon des règles, mais des mesures particulières. Ainsi, la majorité gouvernementale, ne pouvant changer à son gré le mode de répartition des charges, ne peut décider de dépenses nouvelles qui ne pèseraient que sur les électeurs de la minorité et dont ses propres électeurs n'auraient pas à pâtir. Un des mécanismes ayant permis l'augmentation incessante des prélèvements obligatoires dans presque toutes les démocraties occidentales se trouve ainsi enrayé.

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